Dossier presse

Eau et agriculture

Questions 5 à 13

Publié le 13 avril 2023

5. Quelle part de la ressource est dédiée à l’agriculture aujourd’hui ? 

L’eau douce (glaciers, lacs, cours d’eau, nappes souterraines) représente moins de 3% de la totalité de l’eau sur la planète, dont 2/3 sous forme de glace. L’eau douce est donc une ressource rare à l'échelle mondiale.

En France, l'eau douce est relativement abondante mais des tensions peuvent apparaître localement à certaines périodes de l'année, tensions que les conséquences du changement climatique vont très certainement aggraver.

A noter : l’eau consommée = eau prélevée-eau restituée au milieu.

La consommation d’eau douce (partie de l'eau prélevée et non restituée aux milieux aquatiques) en France est répartie entre différentes activités (moyenne 2010-2019) :

  • 58% pour l’agriculture ;
  • 26% pour la production d’eau potable ;
  • 12% pour le secteur de l’énergie (refroidissement des centrales électriques) ;
  • 4% par l’industrie (touristique et agroalimentaire notamment).

Source https://www.notre-environnement.gouv.fr/actualites/breves/article/prelevee-ou-consommee-comment-compter-sur-l-eau?type-ressource=indispensable&lien-ressource=213&theme-ressource=439&type-liaison=indispensable&ancreretour=ressources

En 2020, en France, 6,8% des surfaces agricoles ont été irriguées, soit plus de 1,8 million d’hectares. Les légumes, les vergers, le soja, le maïs et les pommes de terre sont les cultures qui demandent le plus d’eau. Le maïs représente un tiers des surfaces irriguées ; les légumes et fruits réunis représentent 15% du total des surfaces irriguées.

En 2020, 34% des surfaces de maïs étaient irriguées, près de 40% des superficies de pommes de terre et de soja, la moitié des surfaces de verger et plus de 60% des surfaces de légumes. 

Source : Agreste Graph'Agri 2022. www.agreste.agriculture.gouv.fr

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6. D’où provient l’eau utilisée en agriculture ?

Pour pousser, les plantes ont besoin d’eau et de lumière. La principale ressource en eau pour l’agriculture en France est l'eau de pluie ; on parle à ce propos d'agriculture pluviale.

En métropole, 60% de l'eau apportée par les précipitations (environ 500 milliards de m3/an) repartent dans l'atmosphère par évaporation directe ou évapotranspiration via la végétation.

Les prélèvements annuels pour les activités humaines sont de l'ordre de 33 milliards de m3 dont 3 milliards pour l’agriculture, majoritairement pour l'irrigation (80%).

L'eau consommée par tous les usages, c'est-à-dire celle qui n'est pas restituée aux milieux aquatiques après utilisation, représente en moyenne 4,1 milliards de m3 chaque année dont plus de la moitié pour l'agriculture, ce qui en fait la première consommatrice.

Sources https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/economie/l-utilisation-des-ressources-naturelles-ressources/article/les-prelevements-d-eau-douce-par-usages-et-par-ressources

https://www.eaufrance.fr/les-volumes-de-precipitations

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7. Quelles sont les techniques d’irrigation ?

Différents types d’irrigation existent, plus ou moins économes en eau, notamment :

  • L’irrigation de surface, qui utilise la gravité via un réseau de canaux et rigoles.
  • L’aspersion, qui utilise des canalisations sous pression qui alimentent des arroseurs en surface. Les cultures sont arrosées par une pluie artificielle.
  • Le goutte-à-goutte, qui achemine de l’eau sous faible pression, par des tuyaux suspendus, posés au sol ou enterrés. Les plantes reçoivent l’eau par intermittence, directement au niveau des racines.

3 photos illustrans les différents systèmes d'irrigation

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8. Quels sont les systèmes d’irrigation économes en eau ?

En acheminant seulement la quantité d'eau nécessaire au niveau des racines des plantes, le goutte-à-goutte est le système d'rrigation le plus économe en eau.

PReSTI, une plateforme expérimentale d’INRAE à Montpellier, a été développée pour mener des travaux sur l’amélioration de l’efficacité de l’irrigation, en particulier avec le goutte-à-goutte.

Elle combine des expérimentations en conditions contrôlées ou de terrain (5 ha) avec des simulations numériques.

Elle vise à optimiser les performances technologiques et agro-environnementales de l’irrigation tout au long du cheminement de l’eau, depuis la prise d’eau jusqu’à son arrivée à la plante.

Grace à leurs travaux, les chercheurs ont pu estimer que le passage de l’aspersion au goutte-à-goutte permet des économies d’eau :

  • En grandes cultures, de 10-30% ;
  • En arboriculture, de 20-35% ;
  • En maraîchage de plein champ, de 5-15%.

La réutilisation ou le stockage des eaux de drainage sont aussi des solutions qui impactent moins le milieu que les autres prélèvements, même si le drainage ne couvre que 10% de la SAU (surface agricole utile) et 20% des grandes cultures.

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9. Comment l’agroécologie peut aider à réduire la problématique de la disponibilité de l’eau dans le monde agricole ?

L’eau est indispensable à la production agricole (croissance des cultures, abreuvement des animaux). L’irrigation permet de sécuriser la production agricole en cas de manque d’eau.  Pour faire face au manque d’eau, une reconception du modèle et des pratiques agricoles est nécessaire.

L’agroécologie regroupe plusieurs pratiques pouvant être mises en place pour tendre vers une agriculture moins gourmande en eau, notamment en visant à capter et conserver au maximum l’eau dans les sols.

Le paillage des sols, les apports de matières organiques au sol, la limitation du travail du sol, la diversification des cultures, l’agroforesterie et la mise en place de haies, la restauration des zones humides en sont les principaux éléments. La sélection variétale de cultures moins gourmandes complètera en amont les changements de pratique.

https://www.inrae.fr/actualites/sols-reservoirs-deau-temporaires-essentiels-vegetaux

Des expérimentations réussies font déjà leurs preuves sur le terrain et sont en train d’être documentées (par exemple en Occitanie par le projet TAI-OC).

Sur le bassin Adour-Garonne, le programme BAG’AGES, coordonné par INRAE (période 2016-2021) et réalisé en collaboration avec 20 partenaires de la recherche, du développement agricole et 60 agriculteurs a déjà mis en évidence des modifications fortes en termes de capacité d’infiltration des sols grâce aux pratiques agroécologiques (notamment par l’absence de travail du sol, notamment labour, et la mise en place de cultures intermédiaires). Les capacité d’infiltration sont en effet de 2 à 8 fois plus élevées et plus stables dans le temps que sur des sols labourés. L’introduction de cultures intermédiaires quant à elle réduit le drainage, en moyenne, de 30 mm. Les niveaux de rentabilité de ces exploitations sont équivalents à ceux des exploitations conduites selon les pratiques conventionnelles.

En savoir plus sur les travaux d’INRAE en matière d’agroécologie : https://www.inrae.fr/agroecologie/agroecologie-dispositifs

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10. Comment peut être stockée l’eau ?

Les types de stockage se différencient d’abord par l’origine de l’eau et son mode d’extraction du milieu. L’eau peut provenir du ruissellement de la pluie, d’un détournement ou d’un pompage en rivière ou dans les aquifères. Pour simplifier, 4 principaux systèmes à considérer sont   

  • Les retenues collinaires, qui interceptent les eaux de ruissellement d’un versant, déconnectées du réseau hydrographique ; elles sont plusieurs dizaines de milliers dans nos paysages vallonnés.
  • Les retenues en barrage sur les cours d’eau, selon le même principe que la plupart des barrages hydroélectriques ; les ouvrages les plus importants servent d’ailleurs plusieurs usages : hydroélectricité, irrigation, tourisme eau potable (Serre Ponçon par exemple).
  • Les retenues alimentées par un canal en dérivation d’un cours d’eau. Il existe aussi des réservoirs dérivant tout ou partie d’une source alimentée par un aquifère, mais la destination la plus courante est alors l’eau potable.  
  • Les réserves alimentées par pompage, dans la nappe ou la rivière. La géologie et la topographie vont commander la structure de l’ouvrage. Les « bassines » relèvent de cette catégorie, alimentées le plus souvent par pompage dans la nappe, parfois en rivière. Faute de relief pour adosser le réservoir, le sol est creusé, étanchéifié à l’aide de bâches en plastique et le réservoir est entouré de digues.

Le terme de retenue de substitution s’applique à tous les types d’ouvrage remplis en périodes de hautes eaux, de la fin de l’automne au printemps, pour servir à l’irrigation en été, en contrepartie de l’abandon des autorisations de prélèvement des irrigants, en rivière ou en nappe, afin que les milieux bénéficient aussi de ces investissements publics (intérêt général).     

Infographie représentant les différents types de stockage de l'eau

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11. Que connait-on des impacts environnement des ouvrages de stockage ?

L’étude de l’effet des retenues est compliquée par la grande diversité de ces structures, diversité qui s’exprime au niveau de leurs usages, de leurs modes d’alimentation et de restitution de l’eau, de leur position dans le bassin versant, de leur connexion au cours d’eau, de leur taille et forme.

Une expertise scientifique collective de 2016, pilotée par les chercheurs d’INRAE, a analysé la littérature scientifique sur l’impact cumulé des retenues d’eau.

L’expertise a montré que la présence de retenues sur un bassin versant influence toujours le milieu aquatique : elles entrainent une modification du régime hydrologique, et une baisse des débits d’autant plus forte que l’année est sèche ; elles constituent des pièges à sédiments, en particulier pour les particules les plus grossières, ce qui induit une évolution du lit de la rivière, incision ou colmatage selon les cas ; les retenues entrainent en général un réchauffement du cours d’eau, et favorisent l’eutrophisation en leur sein (pouvant entrainer la prolifération d’algues et la production de
toxines). Enfin, les retenues modifient les communautés aquatiques, en changeant leurs conditions de vie et en réduisant la connectivité du milieu et donc le déplacement des espèces dans le réseau hydrographique. Le mode d’alimentation d’une retenue (par pompage dans la nappe ou la rivière, par ruissellement, en dérivation du cours d’eau ou en barrage du cours d’eau) et son usage (eau prélevée ou pas) modulent ces impacts, difficiles à quantifier quand de nombreuses retenues sont présentes sur un bassin versant.

Compte tenu de ces impacts, l’aménagement de retenues (arasement ou adaptation de retenues existantes, implantation de nouvelles retenues) doit être décidé en concertation, idéalement dans le cadre d’un projet de territoire permettant d’intégrer l’ensemble des enjeux qui s’y expriment.

En savoir plus sur l’impact cumulé des retenues d’eau sur le milieu aquatique : inrae.fr/actualites/impact-cumule-retenues-deau-milieu-aquatique

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12. Qu’est ce que la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) ?

La REUT s’opère de manière indirecte ou directe.

  • La REUT indirecte consiste à prélever l’eau dans un cours d’eau ou sa nappe alluviale, alors qu’à quelque distance en amont, une station d’épuration a rejeté les eaux usées après traitement. Les eaux traitées se diluent dans l’eau « naturelle ». La REUT indirecte est de fait généralisée en été sur tous les cours d’eau en France, où la majorité de l’irrigation se fait par pompage en rivière ou nappe alluviale. En d’autres termes, une partie importante des eaux usées rejetées en été est déjà réutilisée en France ou sert au maintien des débits d’étiage, sauf lorsque les stations rejettent en bordure de mer ou dans la mer. La REUT indirecte est autorisée pour tous les usages.
     
  • La REUT directe consiste à ne pas rejeter l’eau usée dans une rivière après traitement, mais à la réinjecter de suite dans un réseau pour un usage dédié (irrigation, arrosage d’espaces verts ou de golfs, nettoyage de voirie…). La REUT directe est interdite en France pour l’eau potable et n’est pas autorisée pour la plupart des industries agroalimentaires pour des raisons sanitaires. La REUT directe en France ne concerne que de 1 % des eaux usées, contre 8 % en Italie et 14 % en Espagne. Cette pratique est très développée en Israël, où 90 % des eaux traitées sont directement réutilisées, sans repasser dans les cours d’eau, la plupart intermittents, c’est-à-dire que ces rivières ne coulent pas une partie de l’année.

Trois principales sources d’eau font l’objet de REUT directe ou indirecte : les eaux des stations d’épuration des eaux usées domestiques, les eaux pluviales urbaines et les eaux résiduaires des industries.

La REUT directe en zone littorale permet incontestablement une valorisation supplémentaire de ces eaux usées dont le rejet cause des pollutions (qualité des eaux de baignade, risques pour la conchyliculture, etc.). La culture de pommes de terre sur les îles de Noirmoutier et de Ré n’aurait pu se développer sans elle depuis les années 1980. Plus récemment, l’irrigation du golf d’Agde par la REUT a beaucoup réduit les prélèvements d’eau de cette collectivité. De même, dans tous les contextes, la REUT directe en ville présente des potentialités (nettoyage des voiries, espaces verts ou usages
industriels).

Toutefois, la REUT pour l’irrigation dans les zones continentales est d’abord une réallocation de l’eau autrefois réutilisée indirectement à l’aval, pour soutenir l’étiage ou alimenter d’autres usages. Même avec substitution de ces usages à l’aval, le bilan quantitatif est nul... sauf s’il y a en plus l’installation d’un stockage des eaux usées rejetées en hiver qui ne servaient ni au soutien des débits des cours d’eau, ni à l’irrigation. Mais cela coûte cher car il faut financer le traitement, le stockage et le réseau pour aller desservir les parcelles cultivées. Situés en zone périurbaine autour des stations d’épuration, ces réseaux sont plus chers à construire. Le modèle économique de cette REUT agricole et sa justification
environnementale sont alors à rechercher au cas par cas.

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13. Quels seraient les enjeux liés au développement d’une filière REUT ?

La REUT est une solution locale pour économiser et préserver la qualité des eaux, valoriser les nutriments présents à des fins agronomiques et préserver l’environnement. Elle implique notamment de bien évaluer les risques sanitaires et environnementaux associés à l’utilisation de cette ressource.

Elle est avant tout adaptée aux zones côtières ou aux territoires sujets aux risques d’eutrophisation des cours d’eau. En effet, les rejets de stations d’épuration constituent souvent un apport indispensable au soutien du débit des cours d’eau, notamment en été.

Si trop d’eaux usées traitées servaient à l’irrigation plutôt que de revenir alimenter la rivière, les milieux pourraient en être affectés. Un équilibre des prélèvements est donc nécessaire.

Il n’est pas non plus envisageable de transporter les eaux trop loin des stations d’épuration en raison du coût économique et énergétique de ce transport. Enfin, de nombreuses réutilisations indirectes ont déjà lieu car l’eau apportée par les stations d’épuration dans les rivières est souvent réutilisée à l’aval.

INRAE dispose d’une plateforme composée d’une parcelle irriguée de 0,5 ha à Murviel-lès-Montpellier (Hérault) depuis 2017, sur laquelle poussent des vignes, de la luzerne et des arbres fruitiers, mais également d’une serre pour des cultures maraichères. Cette plateforme expérimentale permet d’étudier la faisabilité technique des procédés de traitement aux techniques d’irrigation et d’évaluer les impacts agronomiques, sanitaires et environnementaux d’une filière de REUT.

Cependant, l’usage agricole n’est pas le seul envisageable. Des usages municipaux pour le verdissement et le refroidissement des villes constituent aussi des opportunités pour améliorer l’usage circulaire de l’eau.

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