Alimentation, santé globale 8 min

Clinic’n’Cell, la start-up qui révèle les bénéfices santé des compléments alimentaires

Émanant des laboratoires d’INRAE et de l’Université de Clermont-Ferrand, la start-up Clinic’n’Cell développe une approche clinique dite « ex vivo » (hors du corps) permettant d’évaluer les effets des aliments et des nutriments sur la santé humaine sans passer par l’expérimentation animale. Rencontre avec ses trois cofondateurs, Line Boutin, Fabien Wauquier et Yohann Wittrant.

Publié le 06 septembre 2021

illustration Clinic’n’Cell, la start-up qui révèle les bénéfices santé des compléments alimentaires
© INRAE, Christine Heberden

Protection contre l’arthrose, gestion du cholestérol, effet antioxydant, comment vérifier qu’un complément alimentaire ou qu’un produit cosmétique a bien le bénéfice santé attendu ? Encore aujourd’hui, cette démonstration nécessite une phase de R&D généralement longue, qui commence par des investigations in vitro sur des cellules, suivies par une approche expérimentale chez l’animal, avant d’aboutir à une étude clinique chez l’humain.

N’y aurait- t-il pas d’autres voies, plus éthiques et plus efficaces ? C’est la question que se posent Fabien Wauquier et Yohann Wittrant en 2015. Spécialistes de la biologie cellulaire, ils étudient les liens entre santé et alimentation au laboratoire de Nutrition Humaine d’INRAE et de l’Université de Clermont-Ferrand. Leur rencontre avec Line Boutin, en charge de la gestion des études cliniques au Centre de recherche en nutrition humaine d’Auvergne (CRNH-A), concrétise leur projet. Aujourd’hui, les trois scientifiques proposent aux industriels un nouveau concept pour tester l’effet santé de leurs produits. Ce concept, appelé ex-vivo (hors du corps), se veut plus rapide et plus accessible qu’une recherche clinique classique impliquant les personnes humaines, plus physiologique qu’une approche in vitro et plus éthique que l’expérimentation animale. Témoignage à trois voix.

Quelle innovation a conduit à la naissance de Clinic'n'Cell ?

Yohann Wittrant : « Clinic’n’Cell repose sur le principe suivant : lorsqu’on ingère un aliment, un complément ou un médicament, des molécules issues de sa digestion passent dans le sang. Ces molécules vont ensuite agir sur différentes cellules de l’organisme. Nous prélevons le sang, qui contient ces molécules, chez des volontaires pour l’appliquer ensuite sur des cellules humaines en culture, nous pouvons démontrer, en quelques semaines, si le complément alimentaire a bien un effet de protection sur le corps. Cette approche s'affranchit d'un recours à l’expérimentation animale et les données obtenues permettent également de mieux comprendre ce qui se passe à l’échelle moléculaire (mécanismes entre molécules).

 

 

L’idée est née d’une demande du monde industriel lui-même pour une recherche en nutrition-santé qui soit plus éthique. Le concept répond aussi au besoin qu’avait la recherche académique d’un modèle plus fidèle à notre physiologie que les approches classiques comme la culture cellulaire in vitro ou l’expérimentation animale sur des rongeurs.

Fabien et moi avons commencé à y réfléchir en 2015, et dès 2016, nous avons présenté le projet au comité de la maison Innovergne. Cette fédération d'acteurs publics pour accompagner l'innovation a accueuilli favorablement notre demande de financement d'étude de marché. Si le projet avait du potentiel, ni le marché, ni notre méthodologie n’étaient prêts. Fabien et moi avions la connaissance et la maîtrise des procédés cellulaires, mais nous avions besoin de quelqu’un ayant la fibre clinique, notamment pour les aspects réglementaires de la création de cohorte de volontaires. Cela ne s’improvise pas ! C’est à ce moment-là que Line nous a rejoint, forte de dix années d’expérience en tant qu’adjointe à la direction du Centre de recherche en nutrition humaine d’Auvergne. Nous avons eu l’opportunité de co-financer le développement de la start-up de 2018 et 2020 grâce à INRAE Transfert et des collaborations avec des industriels de l’agro-alimentaire, de la nutraceutique, du complément alimentaire et de la nutri-cosmétique. Cette période d'expérimentation nous a permis d’arriver sur le marché en mars 2020 avec une méthodologie éprouvée et directement applicable aux projets de nos clients, tout en continuant de contribuer à notre mission de chercheur par des publications.


Quels sont vos liens actuels avec INRAE ?

Fabien Wauquier : Nous avons gardé des liens avec la recherche académique. Notre méthode, développée au sein d’un laboratoire académique, a abouti à une licence de savoir-faire, que nous exploitons aujourd’hui. Notre start-up est toujours hébergée au sein du laboratoire de l’unité de recherche en nutrition humaine (INRAE/ Université de Clermont-Ferrand), où nous réaliserons les expérimentations sur les cellules. Je suis impliqué à part entière dans la start-up, mais Yohann a conservé sa casquette de chercheur et consacre 20 % de son temps à la présentation de la méthodologie en tant que consultant scientifique. Nous continuons de faire de la science, en faisant profiter le plus grand nombre de notre méthodologie. En restant dans un laboratoire de recherche publique, nous n’aurions pas pu proposer ce type de prestations de manière répétée.

Quels sont vos projets futurs ?

faire de Clinic'n'Cell, un outil de référence R&D parmi d'autres

Line Boutin : Notre méthodologie Clinic’n’Cell, protégée en tant que savoir-faire secret par INRAE et l’Université de Clermont-Ferrand, n’a pas de concurrence directe. Pour le moment, notre objectif principal est de « démocratiser » notre approche auprès des acteurs de la filière agroalimentaire, pour qu’elle devienne un outil de référence R&D parmi d'autres pour l’étude des effets physiologiques. Ça se traduit par la promotion de la technologie. Le contexte de la pandémie n’a pas facilité ce travail, notamment avec l’annulation des congrès, mais le secteur commence à parler de nous et nous réfléchissons à restructurer l’entreprise (locaux, matériel, personnel, …) si la demande augmente. Nous avons de plus en plus de demande des fabricants de cosmétiques ou de nutri-cosmétiques qui veulent s’affranchir de l’expérimentation animale par éthique et ainsi répondre à la demande de naturalité de leur consommateur. Les grandes entreprises qui font de la R&D depuis longtemps souhaitent limiter la prise de risque lors de la mise sur le marché de leurs nouveaux produits. Dans ce cas, notre méthode pourrait être un outil intermédiaire entre les résultats prometteurs observés chez l’animal et le lancement d’une cohorte à long terme chez l’homme. Nous développons en parallèle nos prestations à l’international, nous avons déjà décroché un premier contrat aux Pays-Bas. Dans un deuxième temps, nous étudierons l’intérêt que pourrait représenter notre méthode pour le secteur pharmaceutique. Clinic’n’Cell pourrait par exemple aider à identifier des effets bénéfiques hors principe actif d’un médicament déjà homologué.

 

lA START-up en chiffres

 

  • 2 salariés
  • 1 licence de savoir-faire protégée par INRAE et l'Université Clermont Auvergne (DIRV#18-0058).
  • 7 études cliniques validées & 4 publications correspondantes (2019-2021)
  • 4 contrats signés durant sa première année de création (2020)
  • Lauréat  de la Bourse Frenchtech BPI 2021
  • Garant d'un facteur clé du marché : la crédibilité scientifique.
  • 1 start-up au service du secteur des compléments alimentaires, dont le chiffre d’affaire mondiale s'élevait à 450 milliards € en 2020 (+ 8 %/an)