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Changement climatique et risques

Le risque de chute de blocs

L’évaluation du risque de chutes de blocs est essentielle pour mieux les prévenir et en réduire les conséquences. Elle est également primordiale pour estimer comment ce risque évolue, selon les décisions d’aménagement du territoire, l’occupation des sols ou encore le climat.

Publié le 15 avril 2024

Évaluer le risque de chute de blocs

L’évaluation du risque de chutes de blocs nécessite de disposer de données fiables et de méthodes robustes d’analyse à grande échelle assorties d’un formalisme mathématique conséquent selon l’objectif recherché.

Expérimentation grandeur nature de suivis de trajectoires de blocs en forêt de Vailly (74) : mise en mouvement initiale.

Les approches basées sur la quantification de la perte d’énergie au cours de la propagation ou sur l’étude de la trajectoire des blocs, comme des essais de laboratoire ou de terrain, fournissent des données expérimentales conséquentes qu’utilisent ou complètent les démarches de modélisation et de simulation.

L’étude statistique de longues séries de données constitue un préalable à une gestion efficace des risques associés. Elle permet notamment d’appréhender la relation entre intensité et fréquence, ce qui conduit à mieux caractériser l’aléa et, in fine, objectiver les décisions administratives liées à la prise en compte du risque (zonage réglementaire, aide à la décision en situation de crise, priorisation des actions de prévention et de protection pour une meilleure gestion des crédits affectés...). 

En parallèle, données et outils sont éprouvés et testés dans l’optique d’évaluer leur robustesse et de les améliorer.

Très récemment, des chercheurs d'INRAE et leurs collègues ont mis au point une méthode pour évaluer le risque lié aux chutes de blocs en montagne, en prenant en compte divers facteurs déclenchants et l’ensemble des enjeux exposés (vies humaines, habitations, activités économiques, infrastructures). Ils l’ont testée avec succès dans les Andes chiliennes (En savoir plus).

C2ROP, UNE BASE DE DONNEES DU RISQUE ROCHEUX A L’ECHELLE ALPINE

La base de données C2ROP-INRAE développée par INRAE couvre les six départements des Alpes françaises : Alpes de Haute Provence (04), Hautes Alpes (05), Alpes Maritimes (06), Isère (38), Savoie (73) et Haute Savoie (73).

Au 1er janvier 2020, C2ROP-INRAE rassemblait déjà 8249 événements au sein d’un environnement commun géo-référencé. Celui-ci comprend date et lieu d’occurrence et volume des événements, il permet le croisement avec d’autres données, par ex. l’altitude. Le développement de la base (extension temporelle et spatiale, précision sur les impacts, fonctionnalités géomatiques) se poursuit actuellement dans le cadre du projet SIBlocAlpes - Construction d’un système d’information dédié au risque rocheux dans les Alpes françaises, avec le support du Carnot Eau & Environnement.

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Chute de blocs et changement climatique

Conséquences d'un orage de grêle (Hautes-Alpes).

Les précipitations, la fonte des neiges ou les cycles de gel et de dégel sont les principaux moteurs de l’activité d’éboulement, ce qui laisse à penser que les risques d’éboulement seront plus importants dans un contexte de changement climatique. Un enjeu qu’intègrent désormais et de façon quasi-systématique les projets de recherche des équipes INRAE.

En altitude, des relations sans équivoque ont été établies entre l’augmentation des chutes de blocs, le dégel du pergélisol, c’est-à-dire un sol gelé depuis plus de 2 ans, et le réchauffement climatique. En revanche, en dessous de la limite du pergélisol, des études, conduites dans les massifs du Vercors et du Diois, ne permettent pas de confirmer que le risque d’éboulement augmentera en raison du réchauffement climatique.

Dans les montagnes européennes, si l’augmentation de la température de 2 à 4 °C se confirme dans les prochaines décennies, on estime que la surface des forêts de protection augmentera et que la montée en altitude des feuillus rendra les forêts plus efficaces contre les chutes de blocs rocheux. (En savoir plus).

La gestion durable et résiliente des forêts de protection est essentielle pour faire face aux risques liés au climat. Elle nécessite de collecter, harmoniser et partager des données sur les catastrophes et les tendances liées au climat dans les Alpes ; d’analyser les effets combinés du changement climatique sur les forêts protectrices de l'espace alpin dans l’objectif de sensibiliser les forestiers, les gestionnaires de risques, les décideurs et le public à la résilience des forêts de protection par le biais d’un réseau alpin de laboratoires forestiers vivants (Projet MOSAIC - Gestion des forêts de protection au regard des impacts des évènements composés du changement climatique)

Plus fréquents et intenses avec le changement climatique, les incendies sont à même d’affecter la capacité de protection des forêts vis-à-vis des chutes de blocs. Les récents travaux des équipes INRAE montrent que, dans les Alpes françaises, seuls les feux d’été sont susceptibles d’affecter significativement les peuplements, en particulier à basse altitude où les peuplements feuillus, et notamment les taillis, dominent, avec une réduction de la capacité de protection de l’ordre de 60 à 100 % contre seulement 30 à 65 % à plus haute altitude. Un constat qui vient nourrir les connaissances sur ces deux aléas naturels et les risques associés dans une perspective croisée de gestion des risques et d’aménagement du territoire.

Chatillon-le-Haut, col du Grimsel (Suisse)

COMPRENDRE, AGIR FACE AUX RISQUES MULTIPLES

L’enjeu du métaprogramme XRisques est de mieux comprendre les risques multiples pesant sur les territoires et les systèmes agricoles, alimentaires et environnementaux, en particulier les risques émergents liés aux transitions rapides de ces systèmes.

Il a pour objectif d’établir les connexions entre des risques de nature variée, de considérer les processus de propagation des risques en interaction, de mieux appréhender la vulnérabilité des systèmes dans leur globalité, leur diversité et leur complexité. Il vise aussi à confronter les différentes visions des risques dans la perspective de faire émerger des stratégies de prévention et de gestion ainsi que des actions et politiques publiques.

LE PEPR IRIMA, UN PROGRAMME NATIONAL POUR STRUCTURER ET RENFORCER LA SCIENCE DU RISQUE EN FRANCE

Les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR), financés dans le cadre de France 2030, ont vocation à construire ou consolider une expertise française dans des domaines scientifiques considérés comme prioritaires aux niveaux national ou européen et liés à une transformation de grande ampleur.

Structurer et renforcer la science du risque en France

Lancé en mai 2023, le PEPR IRiMa (Gestion intégrée des risques pour des sociétés plus résilientes à l'ère des changements globaux) dont INRAE est partenaire, est structuré en 6 grands axes scientifiques dédiés aux enjeux méthodologiques transversaux ou aux enjeux spécifiques de bassins à risques particuliers (montagne, littoral, outre-mer, zones industrialo-urbaines). Un dernier axe se concentre sur le développement de plateformes d'infrastructures.
En pratique, aux côtés des projets ouverts destinés à développer les compétences et les infrastructures nécessaires à la communauté, les projets ciblés ont pour ambition de structurer des pôles d’excellence. Le pôle « Risques montagne » auquel participe Nicolas Eckert, ingénieur INRAE à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE), est dédié à mieux comprendre et gérer les risques émergents et couplés spécifiques aux zones de montagne.

  • Catherine Foucaud-Scheunemann

    Rédactrice

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