Alimentation, santé globale 7 min

Transformer les systèmes alimentaires dans le monde avec l’alimentation scolaire

Face à la montée de l’insécurité alimentaire mondiale, l’alimentation scolaire permet de garantir les conditions du bon développement des enfants. INRAE travaille avec le gouvernement français pour apporter un soutien scientifique aux politiques publiques en la matière à travers ses recherches et sa participation à la Coalition internationale pour l’alimentation scolaire. La coalition, lancée au Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires en septembre 2021 se réunit à Paris du 18 au 19 octobre, l’occasion de faire le point sur les contributions de l’institut à l’étude du cas de la France. Les travaux conduits par des équipes INRAE seront présentés lors d’un évènement parallèle le 20 octobre sur la recherche française sur l'alimentation scolaire.

Publié le 11 octobre 2023

illustration Transformer les systèmes alimentaires dans le monde avec l’alimentation scolaire
© INRAE

La Coalition pour l’alimentation scolaire fait partie des 30 coalitions lancées lors du premier Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires en 2021. Une démarche qui vise à accélérer la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) en soutenant les différentes voies de transformation des systèmes alimentaires d’ici à 2030, au niveau de chaque pays. INRAE participe à deux coalitions soutenues par la France, la première portant sur l’agroécologie et la seconde dédiée à l’alimentation scolaire.

Coprésidée par la Finlande et la France, la Coalition mondiale pour l’alimentation scolaire entend garantir l’accès de 418 millions d’enfants à un repas sain et nutritif chaque jour grâce aux programmes d’alimentation scolaire d’ici 2030. Les 90 pays qui participent à la coalition représentent 65 % de la population mondiale et comptent 100 organismes partenaires, dont INRAE.

Le rapport du Programme Alimentaire Mondial  sur la situation de l'alimentation scolaire dans le monde en 2022 est le principal mécanisme de redevabilité de la Coalition pour l’Alimentation scolaire. Il présente les programmes d'alimentation scolaire des pays du monde.

Lire le rapport

L’alimentation scolaire comme levier de transition universel vers une alimentation saine et durable

L’amélioration et le développement d’urgence des programmes d’alimentation scolaires constituent une réponse des gouvernements à la multiplication des crises et de ses effets sur la sécurité alimentaire mondiale depuis 2021. La pandémie mondiale de Covid-19 a eu pour conséquences la déscolarisation de centaines de millions d’enfants qui ont perdu l’accès à ces programmes ainsi que l’augmentation de la pauvreté. De surcroît, les chaînes d’approvisionnement alimentaire sont perturbées par les tensions géopolitiques et les effets des changements climatiques.

Face à la montée de l’insécurité alimentaire mondiale, les programmes d’alimentation scolaire garantissent en premier lieu les conditions d’un développement optimal de l’enfant : croissance harmonieuse, développement cognitif et moteur, immunité et résistance aux infections, bien-être global.

Un dollar investi dans l’enfance, c’est 9 dollars de revenus sur investissement pour une alimentation saine et variée suffisante

Il est communément admis que chaque dollar investi dans les premières années de la vie d’un enfant aura un impact considérable sur sa santé, sa capacité à bénéficier d’une éducation scolaire et son bien-être dans les années à venir. L’alimentation scolaire présente l’avantage d’offrir un excellent retour sur investissement en matière de nutrition des enfants. En outre, les repas scolaires jouent aussi un rôle clé dans les systèmes alimentaires durables, grâce à leur position centrale entre la production et la consommation alimentaire, et parce qu’ils sont généralement sous l’autorité des communautés, ce qui crée les conditions idéales pour développer une politique publique en faveur d’un système alimentaire durable, en lien avec des productions locales.

En bref, l’alimentation scolaire contribue à la réalisation d’un grand nombre d’objectifs de développement durable et notamment les ODD 2 (faim zéro), 3 (santé), 4 (éducation pour tous) et 5 (égalité des sexes). 

La recherche française engagée pour l’alimentation scolaire en appui aux politiques publiques

C’est pour toutes ces raisons que la France est engagée au niveau national dans la coalition. Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la première réunion mondiale de la coalition qui se tient à Paris du 18 au 19 octobre.

La recherche joue un rôle essentiel afin de définir les meilleurs programmes d’alimentation scolaire pour un apprentissage optimal et pour optimiser les leviers politiques et économiques afin que les repas scolaires puissent bénéficier aux enfants et aux agriculteurs de manière équitable. INRAE est impliqué depuis le début dans le consortium de recherche sur la santé et la nutrition en milieu scolaire de la coalition. Une dizaine de chercheurs INRAE y participent à travers le réseau français de recherche qui a pour but de coordonner l’appui français au consortium. Le réseau a été sollicité pour la rédaction du narratif français sur la mise en œuvre des programmes d’alimentation scolaire, les évolutions législatives, le financement et les retombées perçues. Ce document a été préparé par 4 expertes françaises : Sylvie Avallone (coordinatrice, Institut Agro Montpellier), Céline Giner (OCDE), Sophie Nicklaus et Nicole Darmon (INRAE Dijon et Montpellier).

INRAE travaille avec le gouvernement français pour apporter un soutien scientifique à ces actions en matière de restauration scolaire. Les recherches de l’institut étudient la contribution de la restauration scolaire au statut nutritionnel, au bon développement des enfants et à leur culture alimentaire, et analysent les conditions économiques de ces programmes. Elles ont largement contribué à la publication récente du narratif français qui présente la situation de l’alimentation scolaire en France, exemplaire par bien des aspects.

La restauration scolaire en France

En France 8 500 000 enfants de 3 à 17 ans déjeunent au moins une fois par semaine à la cantine

L’alimentation scolaire en France a pour objectif de répondre aux besoins physiologiques et nutritionnels des enfants mais a aussi l’ambition de les sensibiliser à toutes les dimensions de l’alimentation : goût, équilibre alimentaire, culture culinaire et protection de l’environnement (limiter le gaspillage, réduire les déchets, etc.). Les contenus des repas proposés aux enfants doivent suivre plusieurs principes : chaque repas doit comporter 4 ou 5 composantes (un plat principal protéique, une garniture, un produit laitier et, au choix, une entrée/un dessert) et respecter des règles de fréquence de service sur 20 repas. Par exemple, sur une succession de 20 repas il faut proposer aux enfants au maximum 4 entrées contenant plus de 15 % de lipides, au minimum 4 fois du poisson (ou un plat contenant au moins 70 % de poisson), ou encore 8 fois minimum des fruits entiers au dessert. Des règles comme celle-ci, il en existe 15. Les travaux INRAE montrent que les repas qui respectent ces recommandations permettent des apports nutritionnels satisfaisants.

Des politiques publiques ambitieuses en France

Dans le cadre de la loi française Egalim mise en place en 2019 complétée par la loi Climat et résilience de 2021, plusieurs réglementations ont été mises en place pour accélérer les transitions vers une alimentation plus saine et durable, notamment en ce qui concerne les cantines scolaires, ainsi :

  • depuis 2021, les cantines scolaires doivent servir au minimum 1 menu végétarien par semaine ;
  • depuis le 1er janvier 2022, les menus doivent comprendre 50 % de produits durables et de qualité, dont 20 % de produits issus de l’agriculture biologique ;
  • en 2025, l’usage du plastique à usage unique sera interdit en restauration collective.

Peut-on encore aller plus loin ? Les travaux de Nicole Darmon, chercheuse en nutrition à l’unité Moisa, montrent que respecter les 15 règles de fréquence de certains types d’aliments garantit une très bonne qualité nutritionnelle aux repas servis, mais qu’en terme d’impact environnemental, il est possible de faire mieux ! En effet, la chercheuse montre qu’augmenter la fréquence des repas végétariens jusqu’à 12 repas sur 20 et servir du poisson et des viandes blanches (plutôt que de la viande rouge) aux autres repas semble être le meilleur compromis pour réduire de moitié les émissions de gaz à effet de serre des repas scolaires tout en maintenant leur bonne qualité nutritionnelle.

 

Comment les cantines scolaires permettent-elles de réduire les inégalités face à l’alimentation ?

En France, le coût moyen d’un repas à la cantine est de 7,3 euros (en 2020). Dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, l’État français soutient la tarification sociale de la cantine, c’est-à-dire que les parents participent financièrement au coût des repas en fonction des revenus de leur foyer. Plus de 75 % des communes françaises de plus de 10 000 habitants appliquent cette tarification sociale. Depuis 2019, l’État français a mis en place une aide supplémentaire pour les petites communes de moins de 10 000 habitants afin de leur permettre de proposer des repas à 1 euro pour les familles les plus démunies. L’État verse à ces communes 3 euros par repas facturé moins de 1,25 euro aux familles à faible revenus.

Expérimentation d’un système alimentaire à l’échelle du territoire
 

La ville de Dijon sert 8 000 repas par jour dans les restaurants scolaires de la commune, soit 1,3 million de repas annuels.

La ville de Dijon expérimente une politique ambitieuse pour transformer le système alimentaire à l’échelle d’un territoire. Ce projet, « Dijon, alimentation durable 2030 », soutenu par le dispositif « Territoire d’innovations » du PIA3, porte 25 actions dont les objectifs sont de développer une alimentation qui allie des enjeux sanitaires, environnementaux, sociaux et économiques de l’alimentation.

Circuits courts et qualité pour 2 fois moins de gaspillage

Pour l’alimentation scolaire, il s’agit de rechercher des leviers pour une alimentation moins carbonée, et d’approvisionner en circuits courts. Un groupement d’éleveurs s’est constitué pour pouvoir approvisionner les cantines en viande de bœuf produite dans le département. Côté végétal, une légumerie a été inaugurée en mai 2023 pour approvisionner la cuisine centrale avec des légumes, légumineuses et fruits issus de productions locales, sous label agriculture biologique. Ces actions portent déjà leurs fruits : le gaspillage alimentaire a été réduit de 54 % entre 2017 et 2021, 50 % du budget dédié aux cantines est consacré à l’achat de produits sous signe de qualité (34 % en AB) ou de proximité (14,5 % des produits sont d’origine locale). De plus un travail de recherche mené avec l’équipe de Sophie Nicklaus a permis de valider la qualité nutritionnelle des menus de la restauration scolaire et de montrer les économies de carbone possible, en généralisant un deuxième menu végétarien hebdomadaire, mis en place en juillet 2023.

Un rôle d’éducation à l’alimentation

La cantine c’est aussi le plaisir de manger et l’éducation au goût, surtout dans un pays comme la France où la culture culinaire est très forte. Sophie Nicklaus

Un volet du projet « Dijon, alimentation durable 2030 » est également de développer le plaisir des enfants à découvrir et consommer des aliments bons pour leur santé et pour la planète tout en restant dans une approche ludique de l’alimentation. Les équipes expérimentent dans 38 restaurants scolaires de la ville l’utilisation de bornes de satisfaction pour savoir si les plats proposés sont appréciés des enfants. Les résultats montrent que les plats végétariens sont autant appréciés que les plats non végétariens. Cependant lorsque de nouvelles recettes sont proposées, elles sont moins appréciées, c’est le cas par exemple des recettes à base de chou. Aussi, pour renforcer le plaisir de consommer ces aliments, le programme « Chouette cantine », codéveloppé avec le service de restauration scolaire et d’alimentation durable et avec l’association Éveil’ô’goût, a toute sa place. Il a permis de mettre en scène de manière ludique choux et légumineuses.

 

Ariane LelahRédactrice

Elodie RegnierRédactrice

Contact scientifique

Sophie Nicklaus Directrice de recherche, INRAE Bourgogne-Franche-ComtéUMR1324 CSGA Centre des Sciences du Goût et de l'Alimentation

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