Agroécologie 5 min

Stratégie d'INRAE en matière d’utilisation des technologies d’édition du génome végétal

Les technologies d’édition des génomes font aujourd’hui partie des leviers disponibles en génétique et amélioration des plantes. Compte tenu des débats sociétaux et réglementaires relatifs à ces technologies, la direction de l’Inra souhaite clarifier sa stratégie d’utilisation de l’édition des génomes dans le cadre de ses recherches sur les végétaux, au vu de différents éléments de contexte. Cette stratégie s’inscrit pleinement dans les valeurs de l’Institut et dans sa volonté de contribuer au progrès environnemental, social et économique. Elle tient compte des recommandations de l’avis n°11 du Comité consultatif commun d’éthique Inra-Cirad-Ifremer sur les nouvelles techniques d’amélioration génétique des plantes. Les six principes sous-tendant cette stratégie ont été approuvés par le Conseil Scientifique de l’Inra réuni le 19 septembre 2018.

Publié le 09 novembre 2018

illustration Stratégie d'INRAE en matière d’utilisation des technologies d’édition du génome végétal
© INRAE

Face aux enjeux de la transition agro-écologique et de la résilience des systèmes alimentaires au changement climatique, l’Inra produit des connaissances et met en œuvre ses compétences et son savoir-faire pour proposer des solutions innovantes dans le domaine des productions végétales. Compte tenu de la complexité des défis à relever, l’institut mobilise, dans le cadre d’approches systémiques, les équipes de recherche dans les domaines de l’agronomie, de la génétique, des biotechnologies, de la protection des plantes, de l’écologie, des sciences numériques et des sciences sociales et économiques. Il lui apparaît en effet indispensable de combiner l’ensemble des leviers disponibles pour proposer des innovations répondant aux Objectifs de Développement Durable des Nations-Unies.

De la production de connaissances à l'amélioration des plantes.

L’Inra possède une expertise reconnue en génétique et amélioration des plantes. Les recherches conduites par ses équipes vont de la production de connaissances à la mise au point de méthodes d’amélioration des plantes. Elles couvrent l’exploration de la diversité génétique des espèces cultivées et de leurs apparentées ainsi que la valorisation de cette diversité, notamment par la sélection assistée par marqueurs, la génétique d’association, la sélection génomique et la sélection participative. Dans certains cas, les travaux vont jusqu’à la création variétale, pour soutenir certaines filières ou pour sélectionner des caractères non pris en compte par les sélectionneurs privés. Les espèces et les caractères travaillés s’inscrivent dans le cadre du développement de systèmes agricoles et alimentaires durables, en coopération ou en complémentarité avec les secteurs professionnels concernés. Les approches méthodologiques utilisées sont choisies en fonction de leur capacité à répondre aux enjeux de façon la plus efficiente et la plus responsable, dans le respect de la réglementation existante.

Les technologies d’édition des génomes font aujourd’hui partie des leviers disponibles en génétique et amélioration des plantes. Compte tenu des débats sociétaux et réglementaires relatifs à ces technologies, la direction de l’Inra souhaite clarifier sa stratégie d’utilisation de l’édition des génomes dans le cadre de ses recherches sur les végétaux, au vu de différents éléments de contexte. Cette stratégie s’inscrit pleinement dans les valeurs de l’Institut et dans sa volonté de contribuer au progrès environnemental, social et économique. Elle tient compte des recommandations de l’avis n°11 du Comité consultatif commun d’éthique Inra-Cirad-Ifremer sur les nouvelles techniques d’amélioration génétique des plantes. Les six principes sous-tendant cette stratégie ont été approuvés par le Conseil Scientifique de l’Inra réuni le 19 septembre 2018.

Éléments de contexte

Utilisation des technologies d’édition du génome

Les technologies d’édition du génome sont aujourd’hui des outils de connaissance incontournables pour caractériser la variabilité génétique végétale et déchiffrer les fonctions des gènes et leurs régulations. Dans plusieurs pays, ces technologies sont également exploitées pour opérer des mutations ciblées sur des gènes identifiés pour leur intérêt agronomique potentiel ou avéré et créer de nouvelles variétés de plantes.

Cadre réglementaire européen

L’arrêt du 25 Juillet 2018 de la Cour de Justice de l’Union Européenne indique que tous les organismes obtenus par mutagenèse sont des organismes génétiquement modifiés (OGM) et que seuls ceux issus de techniques traditionnelles de mutagenèse développées antérieurement à l’adoption de la directive n° 2001/18 sur les OGM sont exclus de son champ d’application. Les variétés dont le génome est modifié par les technologies d’édition du génome sont donc soumises aux procédures d’évaluation des risques, d'autorisation, de traçabilité et d'étiquetage des OGM, ceci même si les modifications ne se traduisent pas par l’introduction d’un fragment d’ADN exogène.
L’Office Parlementaire des Choix Scientifiques et Technologiques a rendu en 2017 un rapport qui propose de revoir le cadre réglementaire en tenant compte de la réalité des caractères modifiés et des produits obtenus et non plus uniquement des techniques de modification. L’OPECST considère en effet que les bénéfices et les risques ne sont pas les mêmes selon que les traits modifiés dans les plantes leur confèrent une tolérance aux herbicides (comme c’est le cas des principaux OGM commercialisés aujourd’hui) ou s’ils visent une résistance des plantes aux maladies permettant une forte réduction de l’usage des pesticides, ou au stress hydrique dans un contexte de changement climatique.

Avis du comité consultatif commun d’éthique Inra-Cirad-Ifremer

L’avis n°11 du comité d’éthique, rendu en mars 2018, met en lumière les principaux enjeux éthiques et politiques des nouvelles techniques d’amélioration génétique des plantes, et en particulier des technologies d’édition des génomes, en considérant :
1) les risques environnementaux et sanitaires éventuels,
2) le statut juridique des organismes et produits dérivés du système CRISPR-Cas9,
3) la propriété intellectuelle dans le secteur végétal et
4) la compatibilité avec l’agro-écologie des innovations dérivées d’édition du génome.
Il propose une lecture originale du débat axée sur l’analyse des systèmes de valeur et des représentations symboliques qui sous-tendent la diversité des enjeux identifiés. L’avis formule des recommandations aux directions des organismes basées sur la responsabilité sociale en recherche.

Éléments de stratégie

La stratégie de l’Inra en matière d’utilisation des technologies d’édition des génomes de plantes s’inscrit dans une ambition à la hauteur des enjeux scientifiques, réglementaires et éthiques précités. Elle s’articule autour de 6 principes conformes aux valeurs de l’Institut et s’appuie sur l’expertise de l’Inra en matière de génétique et d’amélioration des plantes :

1er principe – Maintien d’une capacité d’expertise en accord avec la mission de recherche publique de l’Inra.

L’Inra considère qu’il relève de ses missions de recherche publique et de sa responsabilité sociale d’explorer les bénéfices potentiels des technologies d’édition des génomes en amélioration des plantes mais également d’analyser leurs limites et de caractériser les risques éventuels sanitaires, environnementaux ou socio-économiques des produits dérivés et des modes d’utilisation de ces produits. Il considère qu’il serait inconséquent de laisser cette responsabilité aux seuls acteurs publics et privés étrangers et de démunir la France d’une capacité d’expertise, indispensable à toute action publique sur les plans politique, réglementaire, économique et environnemental.

2e principe - Des technologies indispensables à l’acquisition de connaissances.

Les nouvelles technologies d’édition du génome permettent d’explorer la variabilité génétique et d’étudier la fonction, la régulation et l’évolution des gènes, essentielles à l’amélioration des connaissances et à la compréhension du vivant. Elles contribuent à l’émergence de nouveaux fronts de science, que l’Inra se doit d’explorer.

3e principe – Utilisation des technologies d’édition du génome en amélioration des plantes.

L’évaluation des possibilités offertes par les techniques d’édition du génome, est légitime au sein de l’Inra, en complément des outils classiquement utilisés pour l’amélioration des plantes. Les caractères et les espèces cibles seront choisis dans un objectif de bien commun, pour des usages et des systèmes de production s’inscrivant dans une logique de durabilité environnementale, économique et sociale, par exemple en vue de la réduction des pesticides de synthèse ou de l’adaptation au changement climatique.

4e principe – Conduite des expérimentations.

La création et la caractérisation des plantes obtenues par édition de génome sont conduites en milieu confiné, au laboratoire et en serre, dans le respect de la réglementation européenne et nationale. La justification d’essais au champ pour consolider leur évaluation agronomique, technologique et environnementale sera soumise à un comité d’experts rattaché au Directeur Général Délégué aux Affaires Scientifiques de l’Inra, avant de les soumettre aux instances prévues par la réglementation en vigueur, en France comme à l’étranger. Ce comité, dont la composition sera définie après avis du Conseil Scientifique de l’Inra, évaluera l’opportunité d’utiliser les technologies d’édition des génomes par rapport aux méthodes alternatives et la contribution potentielle des innovations variétales envisagées à la transition agro-écologique.

5e principe – Ouverture de la recherche.

En matière d’utilisation des technologies d’édition des génomes en amélioration des plantes, l’Inra reste fidèle à ses principes d’ouverture, et encourage la co-construction de projets de recherche dans le cadre d’approches pluridisciplinaires et multi-acteurs.

6e principe – Propriété intellectuelle.

L’Inra soutient la liberté d’accès à l’ensemble des ressources génétiques telle que prévue par les accords internationaux. Il défend le Certificat d’Obtention Végétale (COV), qui garantit le progrès génétique et sa diffusion aux agriculteurs, reconnaît le droit des agriculteurs à produire et utiliser des semences de ferme, et encourage le progrès génétique par l’accès libre et gratuit au fond génétique tout en assurant une rémunération des investissements en recherche et développement des sélectionneurs. Si le régime de propriété intellectuelle des variétés végétales venait à évoluer, l’Inra défendrait les valeurs associées au certificat d'obtention végétale (COV) et la non brevetabilité des plantes issues d’édition du génome1.

1 Conformément aux avis du Conseil Scientifique de l’Inra de mai 2013 et de novembre 2017.

 

 

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