illustration Julien Pradel, spécialiste de la polyvalence
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Biodiversité 4 min

Julien Pradel, spécialiste de la polyvalence

A presque 27 ans, Julien Pradel a déjà un parcours riche d’expériences diverses, depuis la gestion d’un troupeau de brebis en plein-air jusqu’à l’étude de la biodiversité des populations de petits mammifères. Rencontre avec ce jeune technicien passionné et actif, aussi bien dans sa vie professionnelle que personnelle.

Publié le 19 avril 2021

Si l’on considère le parcours déjà très riche de Julien Pradel, on y trouve une remarquable unité de lieu. En effet, Julien n’a guère quitté son Hérault natal : BTSA Productions animales à Digne-les-Bains, Certificat de Spécialisation ovins lait et expérience de formateur en agriculture à La Cazotte, puis entrée à INRAE sur le domaine de La Fage, sur le Causse du Larzac. Par contre, le parcours de Julien ne s’inscrit pas dans une unité d’action ni de temps, tant ses activités sont diversifiées, depuis les études comportementales sur les brebis de La Fage jusqu’au recensement de la biodiversité des micromammifères à INRAE de Montpellier. Un fil rouge cependant : le contact avec les animaux et la nature ainsi que le goût des challenges intellectuels avec les scientifiques.

Etre partie prenante dans les projets scientifiques

Etablir le lien entre la biodiversité et les zoonoses

Depuis son arrivée au Centre de biologie pour la gestion des populations au centre INRAE de Montpellier, Julien est responsable des missions d’échantillonnage des micromammifères (1) dans le cadre d’un projet européen (2). Il s’agit d’étudier le lien entre la biodiversité des animaux et la présence d’agents responsables de zoonoses, virus, bactéries..., dont les rongeurs et chauve-souris constituent des réservoirs importants. « Nous répertorions et comparons la biodiversité des micromammifères dans six lieux différents, parcs urbains, forêts cultivées ou réserves naturelles. Puis nous recherchons sans a priori l’ensemble des agents potentiellement pathogènes portés par ces animaux, y compris les nombreuses souches de coronavirus présentes chez les chauves-souris. Nous pourrons ainsi mettre en évidence l’influence de la biodiversité comme régulateur de ces agents pathogènes ». La diversité des espèces peut en effet freiner la propagation par des effets dits « de dilution », car la présence de certaines espèces non hôtes créent des « cul de sac » pour les pathogènes. Il y a une trentaine d’espèces de rongeurs en France, parfois difficiles à différencier. Pour l’instant, les résultats montrent de nettes différences d‘espèces présentes selon les milieux : plus de rongeurs commensaux (rats, souris) en milieux urbains, plus de diversité en milieux naturels (campagnols, mulots, loirs, chauves-souris, etc.). Une seule espèce (3) sur les onze recensées est commune aux parcs et aux forêts. Les analyses de pathogènes sont en cours dans différents laboratoires en France ou à l’étranger.

Campagnol roussâtre
Campagnol roussâtre
Jeune mulot
Jeune mulot

 

 

 

 

 

Julien participe aussi au recensement de la chenille processionnaire du pin en France (4). « Nous sillonnons les routes selon un maillage de 8 km2 et notons les nids visibles depuis la route. Un seul nid suffit à qualifier la maille de positive ». Cette surveillance est conduite depuis plus de quinze ans et permet de construire un front d’avancée de la processionnaire en France, qui se déplace du Sud vers le Nord. La progression de ce ravageur est en effet un bon indicateur du réchauffement climatique. Le repérage des nids permet aussi de prévenir les collectivités locales qui peuvent éliminer les nids avec un échenilloir, une sorte de perche munie d’un sécateur (5).

Carte progression de la processionnaire en France

Etre en contact avec la nature

Ressentir comme les animaux

Originaire du Larzac, Julien a apprécié les quatre années passées sur le domaine de La Fage, au contact des brebis. Il continue à habiter son petit village d’origine tout en travaillant maintenant à Montpellier. Les activités de Julien se déroulent en grande partie sur le terrain. Il ne compte pas moins de 100 jours de déplacement pour l’année 2020.

Pour les campagnes de piégeage, il a fallu utiliser des dispositifs « non létaux » et des appâts adaptés aux goûts des différents micromammifères ciblés : en forêt : graines de tournesol, pomme, voire sardine, en milieu plus urbain : oignon, voire beurre de cacahuète. « Le goût des rongeurs urbains se rapprochent plus du contenu des poubelles », indique Julien. Comme lorsqu’il travaillait avec les brebis à La Fage, Julien s’intéresse de près au comportement des animaux : il faut, dit-il, « ressentir comme les animaux ».

Une vie bien remplie

Julien est conseiller municipal dans son village et membre du comité d’éthique en expérimentation animale du Languedoc Roussillon. 

Côté associatif, il a animé des cours d’informatique dans un centre de formation solidaire agricole au Sénégal, lors d’une mission humanitaire en 2015. Le but de l’association Jappoo, dont il est le trésorier, est de créer des échanges entre les jeunes du Nord et du Sud. « Nous avons rencontré sur place le ministre, les préfets et les sous-préfets pour faire en sorte que les jeunes sénégalais puissent accéder à une formation pour créer leur entreprise agricole. Ce projet est maintenant porté par les sénégalais et ils en sont à la cinquième année scolaire » précise-t-il.

Il est également impliqué depuis plusieurs années dans le Festival de Roc Castel. La thématique ? Le voyage lent. Pendant une semaine, les événements culturels se succèdent, ainsi que les récits de voyages qui se sont fait à une vitesse maximum de 5 km/h ! Descente du Danube en canoë, voyage en âne ou en roller… Les expériences valent le détour…

 

  1. Micromammifères : rongeurs essentiellement, mais aussi insectivores et chiroptères (chauve-souris).
  2. Projet européen BioRodDis (2020-2023). Echantillonnage organisé en collaboration avec l’ONF, la municipalité / Métropole de Lyon, les associations naturalistes.
  3. Le mulot sylvestre ou Apodemus sylvaticus.
  4. Collaboration avec l’Unité de Recherche Zoologie Forestière d’Orléans, centre INRAE Val de Loire.
  5. Dans le cadre d’un programme financé par l’ANSES.

 

 

Pascale MollierRédactrice

Contacts

Julien PradelCentre de biologie pour la gestion des populations (INRAE, Cirad, IRD, L'Institut Agro, Univ. Montpellier)

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