Ganaspis cf. brasiliensis (souche G1) : une guêpe parasitoïde pour combattre la drosophile à ailes tachetées

La lutte biologique, une solution de biocontrôle contre Drosophila suzukii

Originaire d'Asie, la drosophile à ailes tachetées, Drosophila suzukii s'est largement établie en Europe et en Amérique depuis 2008. Contrairement à la majorité des espèces de drosophiles frugivores qui se reproduisent sur des fruits endommagés et/ou en décomposition, D. suzukii pond ses œufs dans des fruits intacts et en cours de maturation grâce à son ovipositeur unique en forme de scie. Cette drosophile s’attaque à de nombreux fruits cultivés et sauvages. Son développement rapide et sa forte capacité de reproduction provoquent des pertes considérables dans les cultures de petits fruits (cerise, fraise, framboise, myrtille, prune...). La présence de ce ravageur entraîne une utilisation accrue de pesticides et/ou d’autres méthodes de contrôle partiellement efficaces (filets, piégeage…), ce qui augmente sensiblement les coûts (environnemental et économique) des productions agricoles. 

La lutte biologique par acclimatation représente une option viable pour la gestion durable de ce ravageur polyphage. En effet, en Asie, de nombreux parasitoïdes attaquent les larves de drosophile à l'intérieur du fruit, où les pesticides sont moins efficaces. De plus, ces ennemis naturels peuvent fortement réduire les populations de mouches dans les réservoirs naturels (habitats non cultivés notamment) où les méthodes de gestion sont inexistantes, réduisant ainsi la pression démographique dans les cultures commerciales. Enfin, en établissant des populations pérennes dans ces réservoirs non cultivés, les ennemis naturels peuvent jouer un rôle unique dans le contrôle global de D. suzukii.

Une guêpe exotique pour lutter contre Drosophila suzukii

Devant l’absence ou le faible impact des parasitoïdes de drosophiles européens sur D. suzukii (Asobara tabida, Leptopilina boulardi, L. heterotoma, Pachycrepoideus vindemiae, Trichopria drosophilae), des efforts considérables ont été déployés pour collecter, identifier et étudier des parasitoïdes prometteurs dans la zone d'origine de D. suzukii (Chine, Corée, Japon), en vue de leur utilisation potentielle.

L’équipe Recherche et Développement en Lutte Biologique (RDLB) de l’Institut Sophia Agrobiotech (ISA) d’INRAE, en collaboration avec leurs collègues du Centre for Agricultural Bioscience International (CABI), ont ainsi collectés des parasitoïdes larvaires exotiques parmi lesquels Ganaspis cf. brasiliensis et Leptopilina japonica sont les plus abondants. Les évaluations menées au laboratoire ont permis de compléter les connaissances déjà acquises par des laboratoires d’autres pays (Etats-Unis, Italie, Suisse). Les résultats ont notamment montré qu’une souche de G. cf. brasiliensis (souche G1) présentait une forte spécificité vis-à-vis de D. suzukii. En conditions de non-choix (un seul hôte proposé), seules les deux espèces européennes les plus proches de D. suzukii au niveau phylogénétique (D. melanogaster et D. simulans) ont permis un développement du parasitoïde. De plus, G. cf. brasiliensis (G1) présente une spécialisation marquée pour la niche écologique de D. suzukii, seule espèce de drosophiles en France et en Europe à se développer sur des fruits en cours de maturation. Le risque très limité sur les communautés indigènes a également été confirmé par des expérimentations de choix en conditions semi-naturelles qui ont confirmé que la souche G1 était très spécifique de D. suzukii (taux de parasitisme de 0.02% sur D. melanogaster). 

Feu vert pour des lâchers de Ganaspis cf. brasiliensis en 2023

A partir de ces résultats, les équipes de l’ISA ont déposé une demande d’introduction dans l’environnement du macro-organisme exotique Ganaspis cf. brasiliensis G1 auprès des autorités compétentes. Après de nombreux échanges et un examen approfondi du dossier par l’Anses, le ministère de l’Agriculture et celui de la Transition écologique, l’autorisation d’introduction de Ganaspis cf. brasiliensis G1 a été accordée le 17 août 2022. 

Dès l’an prochain, des primo-introductions de ce parasitoïde exotique seront effectuées sur un petit nombre de sites français déjà bien étudiés, et seront couplées à des suivis post-introduction (récoltes de fruits, piégeages) et à des approches de dynamiques des populations afin de caractériser les facteurs écologiques favorisant leur installation et leur dispersion. Des suivis sur plantes sauvages permettront également de suivre l’impact potentiel de ces introductions sur les communautés locales de drosophiles. Ces primo-introductions serviront à préparer le large déploiement et l’intégration de cette solution de biocontrôle dans les itinéraires techniques. Le résultat attendu est une forte diminution, pérenne et sans coût récurrent pour les filières, des densités de D. suzukii à l’échelle nationale.