Société et territoires 2 min

Arnaud Delaherche, salarié viticole : « Les technologies ont changé notre métier »

La viticulture de précision a fait son entrée en 2013 au sein des Vignobles Bernard Magrez. Gagnant en performance, les drones ont révolutionné la pratique du métier comme en témoigne Arnaud Delaherche, salarié du domaine Château Pape Clément, l’un des quatre grands crus classés de la marque.

Publié le 16 décembre 2019

illustration Arnaud Delaherche, salarié viticole : « Les technologies ont changé notre métier »
© INRAE

« Château Pape Clément est une exploitation d’une surface de 90 hectares située dans le bordelais. Le passage à la télédétection y a eu lieu avec l’acquisition d’un robot aérien de marque Novadem, destiné à dresser l’état de vigueur de la vigne. La vigne est une liane susceptible de pousser indéfiniment sans produire un raisin de la qualité espérée. Elle se travaille donc différemment selon sa vigueur, mesurable à la quantité de chlorophylle présente dans les feuilles. Le drone d’origine a également permis d’établir pour la première fois une cartographie de la vigne géo-référencée, situant précisément les meilleures zones de production. Ce procédé, qu’on appelle l’arpentage, était jusqu’alors réalisé par un géomètre. Désormais, il suffit de définir une parcelle dont le robot survole les rangs de façon autonome. Ce changement a représenté une petite révolution.

 

Au départ, la flotte du domaine se limitait à un drone d’une capacité de vol de quinze minutes. Deux autres drones en service depuis affichent une autonomie d’une heure et les missions de détection confiées aux appareils se sont élargies. L’une d’elles, très importante, consiste à déterminer la pente d’écoulement des sols. La vigne n’aime pas avoir les pieds dans l’eau. Elle a besoin d’un certain stress hydrique pour se développer. Dans certaines parcelles peut s’accumuler une eau stagnante qu’il va falloir drainer à partir des points les plus bas. L’opération, effectuée grâce à l’information délivrée par le drone, va permettre à la vigne d’évoluer dans un meilleur sol.

 

La précision des drones a augmenté grâce à celle de leurs capteurs. La dernière innovation majeure en date, pour nous, concerne la détection du mildiou, mise au point par la start-up Chouette. Le drone repère des taches sur la vigne mais il est aussi en mesure de détecter grâce à l’infrarouge ce que l’œil humain ne voit pas, à savoir les modifications de la texture et de la couleur de la feuille. De là, nous pouvons déterminer les parcelles les plus touchées et anticiper sur les traitements à leur appliquer. L’objectif est de moduler le traitement selon les zones et pour cela, il faut évidemment un système d’intégration des données produites par le drone sur le tracteur ou l’enjambeur, qui dose ensuite ce que le pulvérisateur va injecter. Enfin, toujours grâce à la détection, il est devenu possible d’estimer le nombre de pieds manquants sur un cépage et de les remplacer facilement. Auparavant, nous devions attendre la fin des vendanges pour les quantifier et en replanter.

 

Marge d’erreur

Les technologies de détection nous font gagner du temps et de l’argent, même si leur coût initial reste élevé et freine encore un certain nombre de producteurs. Mais il est clair qu’avec leur intervention, notre métier a changé. Leur usage nous oblige à gagner de nouvelles compétences. Il est indispensable d’obtenir un permis ULM pour manœuvrer un drone. Il faut, de même, se former comme je l’ai fait à la lecture des cartes. Tout le monde n’a pas la sensibilité à ces technologies et je peux le comprendre car il reste nécessaire d’être au contact du vignoble.

 

Les technologies n’ont d’ailleurs pas encore tout résolu. Ce qui nous manque à présent, c’est une information précise sur les rendements. Quand nous les estimons, nous pouvons rencontrer une marge d’erreur de 20% sur certains cépages. Nous n’avons pas d’idée précise de leur volume au moment des vendanges et ce défaut de connaissance pose problème. Le drone a une vision d’en haut et le raisin continue de pousser en bas, sous les feuilles. De même, nous manquons toujours d’informations sur des maladies autres que le mildiou, comme les carences de la vigne selon son degré d’exposition et l’état du sol. Nous aurions besoin de ces données pour améliorer nos pratiques et ainsi obtenir un meilleur rendement. »

 

 

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Benoit HervieuRédacteur

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Thierry CaquetDirecteur Scientifique EnvironnementINRAE

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