Pour Freddy Rey, toutes les solutions (ou presque) sont dans la nature

Il suffit parfois de bien peu de choses pour décider d’un avenir ! Freddy Rey a trouvé sa motivation dans la lecture d’un livre. Pas n’importe lequel toutefois ! « L’émergence de l’homme », un essai sur l'évolution humaine de Joseph Reichholf, écologue allemand spécialiste de l'évolution. Révélation pour l’adolescent qu’il était alors et qui se voyait bien faire « ça », c’est-à-dire chercher à reconstituer une histoire à partir d’indices pour comprendre comment les choses se sont passées sans forcément les vivre au quotidien.

L’apprenti détective qu’il est alors enchaine des études d’ingénieur des eaux et forêts et une thèse de doctorat en géographie physique avant d’être recruté comme chargé de recherche à Irstea devenu depuis INRAE.

De l’écologie de la restauration aux Solutions fondées sur la Nature

Nous sommes en 2005. Les premiers travaux de Freddy Rey l’entrainent au cœur des Alpes et portent sur l’écologie de la restauration des milieux dégradés. Un thème qui ne va plus le quitter et qu’il va faire évoluer tandis qu’il consolide ses connaissances et ses compétences en la matière.

Aujourd’hui, Freddy parle de son travail de recherche comme d’un ensemble de briques (qu’il a su) savamment ordonner. D’abord, comprendre la relation entre la végétation et les processus d’érosion dans les milieux torrentiels ; ensuite savoir comment installer cette couverture végétale dans des milieux érodés grâce au génie végétal et à l’ingénierie écologique, pour désormais s’intéresser aux Solutions fondées sur la Nature ou SFN avec un intérêt particulier pour la notion de co-bénéfices que porte ce concept.

Les Solutions fondées sur la Nature sont définies comme “les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bien-être humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité (Source : UICN, 2016).

Génie végétal, ingénierie écologique ou solutions fondées sur la Nature, le fil conducteur de Freddy est le même : se servir du vivant pour (mieux) servir le vivant.

Une perspective qui, au cœur du Lessem, anime l’équipe Compet dans laquelle Freddy Rey opère, avec à la clé une question essentielle qui est de savoir « Comment concilier protection contre les risques naturels, solutions fondées sur la nature, écologie et gouvernance territoriale pour une gestion intégrée des écosystèmes, de l’eau et des territoires ».

En pratique, ce sera notamment pour Freddy, l’action 8 - Réduire la quantité de sédiments transportés par la rivière en contrôlant l’érosion des versants de marnes noires (2010-2013) du Plan Durance multi-usages dont l’élaboration fut confiée au préfet de région Provence-Alpes-Côte d’Azur par les ministres en charge de l’écologie, de l’économie, de l’équipement et de l’agriculture.
« Il s’agissait de lutter contre la sédimentation fine, responsable d’un accroissement des risques d’inondation et contre la dégradation des milieux, explique Freddy Rey. Environ 2 000 ouvrages ont été installés et suivis dans le temps. Ce sont des cordons et garnissages sur des barrages en bois qui jouent le rôle de peignes végétaux et permettent bien de retenir les sédiments fins tout en revégétalisant des sols nus. Ces aménagements continuent de se développer. » 

Freddy Rey. 2018.  Restaurer les milieux et prévenir les inondations.  Editions Quae (Versailles), 116 pages.
Ce livre apporte aux élus, décideurs et gestionnaires des collectivités territoriales et syndicats de rivières des solutions innovantes de génie végétal pour concilier restauration des milieux et prévention des inondations. Chercheurs, entrepreneurs, formateurs et étudiants découvrent une démarche de recherche en écologie ingénieriale au service de l’ingénierie écologique et du génie végétal.

Freddy Rey. Lutter contre les inondations grâce au « génie végétal »
Un article écrit avec The Conversation - La préservation ou la restauration de la qualité de l'environnement est essentielle. Comment atteindre ces objectifs ? Comment optimiser les actions ? Les plantes peuvent apporter une réponse à ces enjeux.

 Le même type d’aménagement est en partie utilisé dans un projet de restauration minière en Nouvelle Calédonie, INNER-MINE - Démonstration des techniques d’ingénierie écologique pour la restauration minière en contexte ravinaire (CNRT, 2019-2022). L’ambition de ce projet : tester, démontrer, développer et promouvoir des techniques éprouvées et innovantes d’ingénierie écologique, en mettant l’accent sur leur application au contexte minier sous climat tropical. Plus facile à dire qu’à faire ou presque : si en Métropole, on privilégie l’utilisation de boutures végétales, en Outre-mer, on cherchera à les associer aux graines et aux plants.  A condition d’avoir d’abord déterminé les espèces à utiliser ! Pas si facile mais les difficultés sont bien loin d’être un obstacle pour Freddy Rey qui trouve là une source de motivation supplémentaire !

A l’interface science société

Enrichir les connaissances pour les appliquer, faire le lien entre expérimentation et démonstration… Freddy oscille entre recherche et ingénierie depuis longtemps. S’il conjugue au quotidien le triplet des savoirs (savoir, savoir-faire et faire savoir), il affectionne particulièrement de partager ses compétences.

Se servir du vivant pour (mieux) servir le vivant.

A l’échelle de l’Institut, F. Rey contribue entre autres, aux réflexions du département scientifique Sciences pour l’action, les transitions, les territoires - ACT dont il dépend, sur la biodiversité et les solutions fondées sur la nature. En pratique, ses actions sont diverses, cela va de l’animation scientifique en passant par la communication sur les avancées et initiatives ou encore l’incitation au montage de nouveaux projets, sans oublier la capitalisation des projets et travaux antérieurs.

Membre du Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature - UICN, Freddy Rey préside la Commission Gestion des écosystèmes après avoir longtemps présidé le groupe de travail sur les SFN. Force de propositions pour poursuivre les efforts et donner une nouvelle impulsion à la préservation, la restauration et la gestion durable des écosystèmes en France, il contribue dans ce cadre aux activités de développement des SFN et à leur appropriation par les pouvoirs publics, en France métropolitaine et dans les territoires ultra-marins, en lien avec les approches menées à l’échelle internationale par l’UICN.

Qu’il s’agisse d’enseigner, d’écrire des ouvrages destinés au grand public, aux acteurs socio-économiques ou encore aux gestionnaires et décideurs ; qu’il soit question de porter ses convictions au sein d’associations – p. ex. l’Association française pour le génie biologique ou génie végétal (AGéBio, 2010) et l’Association fédérative des acteurs de l'ingénierie et du génie écologiques (A-IGEco, 2014) qu’il a fondées et longtemps (co-)présidées avant de passer la main, les occasions sont nombreuses et Freddy est de toutes les actions et de tous les engagements.

Entre science et société, Freddy Rey est dans son élément. Conseiller régional d’Auvergne-Rhône-Alpes, vice-président de la Communauté d’agglomération du Pays voironnais où il est en charge du cycle de l’eau, maire de Saint Nicolas de Macherin (38), il décline au quotidien des problématiques ancrées dans la réalité et en lien avec les territoires. Ainsi, dans la cour de l’école du village de Saint Nicolas de Macherin, une couverture végétale remplace désormais le revêtement minéral du sol et des gradins ont été installés pour permettre de faire cours à l’extérieur…. Un clin d’œil scientifique à dame Nature !