Société et territoires 4 min

Concilier besoins humains, ressources naturelles et préservation de la biosphère

Les avis 13 et 14 du Comité commun d’éthique INRAE-Cirad-Ifremer-IRD portent sur le cœur des activités communes aux quatre organismes : besoins humains, ressources naturelles, préservation de la biosphère et comment les concilier dans les travaux de recherche. Ces réflexions ont été produites sous la présidence d’Axel Kahn, sur des questions qu’il avait identifiées, et pour lesquelles il avait exposé ses motivations profondes. Les deux avis portent sur deux cas pratiques : les eaux littorales (avis 13) et les pratiques agricoles et la qualité des sols (avis 14).

Publié le 23 septembre 2022

illustration Concilier besoins humains, ressources naturelles et préservation de la biosphère
© INRAE

Mettre à disposition des pistes de nature à progresser

« Ne rien sacrifier, la pertinence économique des métiers et des filières, leur durabilité, les intérêts contradictoires des agents concernés, le souci des générations futures mais aussi de la biosphère en tant que telle, de ses équilibres et de son évolution propre […] accepter les contradictions, s’y adosser pour les dépasser sous la forme d’une solution innovante qui ne renie aucune des injonctions de départ » propose Axel Kahn dans les motivations qu’il avait rédigées en amont des réflexions du Comité, débutées en 2019. Il poursuivait, « le dessein du Comité d’éthique de nos quatre organismes, son ambition, est, partant de situations concrètes, de mettre à disposition des gouvernances, des chercheurs et de tous les personnels des pistes de nature à progresser dans ce contexte […] Il peut exister un chemin, l’identifier exige une méthode, l’emprunter une volonté ».

Eaux littorales

Pour progresser dans sa réflexion sur les eaux littorales, le Comité d’éthique a instruit cinq cas significatifs sur la base d’entretiens avec des scientifiques : usages concurrentiels de l’eau douce sur le littoral charentais, pollutions diffuses dans les eaux douces et la mer en Pays de la Loire, eutrophisation des zones littorales (algues vertes se développant par suite d’effluents agricoles), pollutions au chlordécone dans les bananeraies antillaises, prolifération des sargasses en mer des Caraïbes.

Loin de n’être que des questions scientifiques et techniques, ces cas de pollution et d’usages concurrentiels des eaux mettent en jeu des aspects économiques, sociétaux et culturels. Les asymétries d’informations entre parties prenantes, les conflits entre court et long termes, les millefeuilles administratifs du niveau régional à l’Europe sont à surmonter pour proposer des solutions. Le Comité invite les scientifiques à intégrer ces différentes préoccupations dans leur cheminement réflexif.

> Télécharger l’avis 13

Les sols

Progressant avec la même méthodologie, le Comité d’éthique a ensuite abordé la question des sols. D’après la FAO, 24 milliards de tonnes de sols fertiles sont perdus chaque année par l’agriculture intensive, l’urbanisation et la pollution. Préserver des sols en bonne santé est une question qui mobilise les politiques publiques pour faire face à l’érosion, au changement climatique, à la perte de biodiversité, mais aussi pour la sécurité alimentaire, la santé humaine et celle des écosystèmes. Longtemps le sol a été étudié comme un support de production, pour ses propriétés physiques et chimiques. L’aspect vivant des sols connaît un renouveau dans les recherches dans les années 90, avec la microbiologie, et surtout à partir de 2010 avec les techniques de séquençage massif de leur biodiversité. Peu à peu sont étudiés et reconnus les rôles de cette biodiversité dans les fonctions écologiques (cycle de l’eau, nutrition, stockage de carbone, recyclage…). La notion de service écosystémique a permis de mieux faire percevoir le bénéfice que nous tirons de ces fonctions et l’importance de les maintenir. Tour à tour, source de matériaux de construction, poubelle, territoire à aménager, héritage, patrimoine culturel, le sol est également investi de fonctions sociales. Les approches peuvent être très différentes selon les régions, du Nord au Sud.

Comment aujourd’hui concilier les différentes visions instrumentalistes du sol tout en préservant ce patrimoine commun ? Le Comité a étudié les sols forestiers, agricoles, urbains ou périurbains et les zones sèches ou humides. Il en retire des questions transversales :

  • les communs (quel type de droit mettre en place pour protéger ou réhabiliter les sols),
  • les avantages et limites des services écosystémiques,
  • la complémentarité nécessaire des approches entre niveaux local et global, l’interaction avec les acteurs du territoire, ainsi qu’avec les politiques.

Et des pistes pour progresser : une réflexivité des scientifiques fondée sur l’intérêt de connaissance, la nécessité d’un dialogue avec les parties prenantes, la définition du rôle de l’expert auprès des politiques publiques, le devoir d’information et d’alerte des chercheurs et chercheuses mais aussi l’invitation à poursuivre des recherches interdisciplinaires sur la santé des sols.

> Télécharger l’avis 14

 

 

 

 

 


 

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